Foyers domestiques, genre et énergies : enjeux et perspectives

Université Paris 1 Panthéon- Sorbonne
charles-francois.mathis[at]univ-paris1.fr

CNRS, UMR Sirice

Sorbonne Université, UMR Sirice
jpwilliot[at]wanadoo.fr

Résumé

En croisant deux historiographies qui, à quelques exceptions près, s’étaient un peu ignorées – celles de l’histoire du genre et de l’histoire de l’énergie -, cet article introductif au numéro spécial « Foyers. Genre et énergies dans l’espace domestiques, 19e- 21e siècles » souligne la fertilité de cette rencontre. Le foyer domestique est en effet un lieu central des pratiques et choix énergétiques, où se croisent stratégies marketing des entreprises pourvoyeuses, politiques publiques et décisions familiales, qui toutes mettent en jeu des rapports de genre. Différentes pistes d’analyses sont ainsi proposées, ouvrant autant de perspectives de recherches, notamment autour des enjeux de la transition énergétique.

Article
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Croiser genre et énergie : une problématique à renouveler

L’observation et l’analyse des enjeux qui se nouent dans l’utilisation des énergies au sein des espaces domestiques ouvrent des perspectives très larges pour comprendre comment s’organisent les choix de consommation. Ils dépendent de multiples facteurs. L’offre de telle ou telle énergie et la combinaison de plusieurs d’entre elles pour répondre à des usages différents déterminent leur place. Les prix de vente ou les tarifications sont donc essentiels. Les équipements dans la maison et plus largement les infrastructures énergétiques peuvent faciliter ou au contraire empêcher les consommations. Les possibilités techniques sont donc tout aussi importantes pour expliquer l’avènement de certains usages domestiques ou leur abandon. Mais dans tous les cas, les membres du foyer interviennent à chaque étape d’une chaîne de décisions qui aboutissent aux usages énergétiques. Choisir les appareils, privilégier tel mode d’éclairage ou tel type de chauffage, accomplir tous les gestes du quotidien qui accompagnent l’utilisation des équipements, agir sur les dépenses de consommation, déterminer les formes de confort souhaitées, inscrire ses propres pratiques dans des comportements sociétaux énergivores ou au contraire très économes sont autant d’arbitrages rendus dans les foyers domestiques. Ils ne sont jamais dissociés des relations établies à l’extérieur du foyer, par la publicité qui oriente les consommateurs, par la stratégie commerciale des fournisseurs d’énergie, par l’achat d’appareils, par la livraison de l’énergie. Tous ces aspects qui s’inscrivent dans l’histoire des énergies selon des séquences chronologiques diverses participent d’une immense historiographie des choix énergétiques. Elle est dédiée à l’histoire des entreprises, à l’économie des consommations, à la sociologie des usages. Susciter réflexions et travaux dans cette direction ne présenterait pas une originalité caractérisée même si très souvent l’histoire des énergies s’est écrite sur celle des sociétés productrices et distributrices ou sur les mécanismes géopolitiques du commerce des énergies.

Notre objectif suit un autre cheminement. Centrer le regard sur le foyer et comprendre comment s’y jouent les consommations d’énergies invite à mobiliser les interrogations d’une histoire de la consommation et encore plus celles relevant de l’histoire du genre. Quels rôles tenus par qui ? Quel pouvoir de décision pris par chaque membre dans le choix des énergies ? Quelles fonctions dévolues aux femmes et aux hommes dans les pratiques domestiques dès lors que l’on s’intéresse à l’éclairage des pièces, au chauffage des lieux de vie, aux modes de cuisine, aux besoins d’eau chaude, à la régulation d’une climatisation ou à l’entretien des braises d’une cheminée ?  En proposant de tenir un colloque qui assemble des spécialistes de l’histoire des énergies et celles et ceux des études de genre, nous souhaitions susciter des questionnements reliant des champs d’études qui ne se sont pas croisés si fréquemment. Bien sûr, des travaux ont déjà soulevé ces problématiques. L’ouvrage de Ruth Schwartz-Cowan, More Work for Mother: The Ironies of Household Technology from the Open Hearth to the Microwave1, fut l’un des premiers à en souligner l’importance, énonçant dès le titre quelle question il fallait poser sur l’usage des énergies domestiques. Puis d’autres études sont venues. Les unes ont plus précisément centré le regard sur une technologie ou une énergie2. D’autres ont détouré plus souvent la figure féminine dans la gestion domestique et l’attribution des tâches3. Des programmes de recherche récents ont aussi souligné l’utilité d’une approche qui croise genre et énergies dans une meilleure prise en compte de tous les aspects que la transition énergétique requiert, en particulier le récent ouvrage d’Abigail Harrison Moore et Ruth Sandwell, In a New Light. Histories of Women and Energy4.

Du colloque à sa publication : des pistes pour la recherche à venir

Le colloque que nous avions lancé en 2019 sous le titre « Foyers. Genres et énergies dans l’espace domestique 19e-21e siècles (bois, charbon, électricité, gaz, pétrole) : Enjeux de société, enjeux économiques, enjeux de médiations » s’inscrivait dans ce mouvement. L’appel à communications a permis de situer les angles d’intérêt et a légitimé ce qui s’apparentait à un premier tour de table5. Les 35 propositions reçues, formulées par 49 participants, soulignaient l’attention internationale portée à cette thématique. Elles émanaient de 38 origines géographiques situées en Amérique du sud (2), Afrique (5), Amérique du nord (6) et Europe (25). Force fut de constater que manquait à l’appel des représentants de l’immense Asie. Il fallut aussi déplorer que parmi les Européens, si la diversité de nationalités était bien réelle (Pays-Bas, Grande-Bretagne, Italie, Espagne, Allemagne, Autriche, Finlande,  Danemark, Belgique, France), les propositions restaient le plus souvent centrées sur une approche énergétique sans inclure autant que souhaitable des questions relevant de l’histoire du genre. Ouvrir ses travaux de recherche à d’autres champs et d’autres lectures ne va pas de soi. Une pondération extrême de présentations concernait le 20e s. (88%). Des thématiques émergeaient nettement : l’organisation de l’économie domestique et des cultures matérielles associées, la répartition du travail domestique et la place des femmes dans celui-ci, l’histoire de la croissance des consommations énergétiques, les relais médiatiques de la promotion commerciale des énergies, les choix techniques et les normes établies le plus souvent par des acteurs masculins. Après sélection, 17 interventions, soit 48% des propositions présentées, avaient été retenues. La pandémie et la rupture des mobilités ont entravé la tenue du colloque, incitant les organisateurs à privilégier un autre calendrier en inversant les étapes.

Le numéro 6 de la Revue d’histoire de l’énergie/Journal of Energy History pose donc des bases introductives d’une thématique au lieu d’offrir les conclusions d’un colloque.  Pour en appuyer l’idée, neuf contributions sont incluses dans le numéro, chacune traitant d’une des approches que nous souhaitions privilégier. Le numéro présent est d’abord le moyen de rappeler le champ prospectif que nous appelons de nos vœux. Les différentes sources d’énergie (bois, charbon, essence et pétrole, gaz, électricité) ont modifié les modes de vie dans l’espace domestique, de manière accélérée à partir du 19e s. Les marchés que recouvraient les nouveaux usages des énergies se sont amplifiés avec l’essor d’équipements ménagers multiples. Les conditions de vie se sont transformées par la promotion du confort, la réduction des pénibilités domestiques, la simplification des tâches. La cuisson, le chauffage, la réfrigération, l’eau chaude, les travaux ménagers, séparément ou ensemble, ont été mis en avant comme des moyens de bien-être dans le foyer. Leur promotion a ainsi porté la simplification des pratiques quotidiennes les plus élémentaires, de la toilette à la cuisine, de l’éclairage au nettoyage. Elles ont également transformé les activités à l’extérieur du foyer et modifié les sociabilités qui leur étaient associées. Elles ont engendré le déclin des lavoirs collectifs, la réduction de l’approvisionnement en eau ou en bois, souvent assimilés à des corvées domestiques. Ces évolutions sont connues.

Des entreprises énergétiques aux foyers

L’émergence de nouveaux moyens de communication, de la fin du 19e s. au milieu du 20e s. (affiches, images publicitaires, conférences radiophoniques, émissions télévisées, réclames audiovisuelles, sites web et réseaux sociaux sur internet) est l’un des canaux privilégiés de la diffusion des nouveaux usages énergétiques. Les moyens de communication ont notamment assuré le relais de discours commerciaux et de sollicitations des consommatrices et des consommateurs après que ces discours aient été pensés et mis en forme par différents acteurs. Ils ont suscité les concurrences entre énergies (charbon, coke, gaz, électricité, pétrole) pour vanter les atouts de chacune et de multiples types d’appareils. Si d’autres moyens ont été mobilisés pour développer l’équipement des espaces domestiques et par voie de conséquence les consommations d’énergie nécessaires (tarification et prix de vente, offres de service ou d’équipement, démonstration des utilisations, magasins d’exposition et de vente par exemple), le relais vers les consommatrices et les consommateurs est venu d’une analyse des marchés et des besoins comme d’une construction de ces marchés par la communication publicitaire. D’autres voix y contribuaient aussi par l’intervention des hygiénistes, des associations de consommatrices, des mouvements revendicatifs. La place des quincaillers dans les petites villes et la diffusion de catalogues jusque dans les aires rurales ont également joué un rôle important dans cette diffusion. Ces approches ne sont pas ignorées mais elles sont loin d’avoir été travaillées avec une ambition comparative.

Les compagnies gazières et électriques mais également toutes les entreprises des autres sources d’énergie (pétrole, bois, charbon) ont immédiatement profité des nouvelles opportunités de s’adresser aux client·es. Les entreprises de réseaux ont été plus visibles parce que commanditaires régulières d’affiches et de réclames pour vanter les atouts de leur énergie car elles bénéficiaient de l’effet de marché lié aux réseaux locaux puis régionaux ou nationaux. Mais toutes les énergies sont à prendre en compte. Les cibles publicitaires choisies, les slogans utilisés et les mises en scène graphiques ont-ils contribué de manière importante à présenter une segmentation très caractérisée des rôles féminins et masculins dans l’espace domestique ? Les stratégies commerciales ont suivi l’apparition des objectifs de rationalisation ménagère, nés à la fin du 19e s. et amplifiés durant l’entre-deux-guerres. Elles ont soutenu la tendance qui s’est accentuée après la Seconde Guerre mondiale de transformation de l’environnement domestique et de consommation de masse. Il serait important de mesurer quel a été l’effet des politiques menées par ces compagnies, dans le choix des publics cibles, celui des slogans et des imaginaires graphiques mobilisés sur des rôles féminins et masculins dans l’espace domestique.

Ces médiations publicitaires ont été accompagnées par des dispositifs pédagogiques des usages (émissions de radio, conférences, ateliers de démonstration des usages, emploi de conseillères ménagères, organisation de concours, développement d’une presse dédiée, émissions télévisées…). L’éducation qui en a découlé dès la fin du 19e s. s’est largement appuyée sur les initiatives des Home Economics nées aux Etats-Unis dans l’orbite de Cornell University. Elle a également été portée par le mouvement d’aménagement architectural de l’espace domestique (les rôles de Christine Frederick et Paulette Bernège à partir des années 1920 sont connus, mais il faut élargir, par exemple au cas de Margaret Schütte-Lihotsky et sa cuisine de Francfort ou d’Erne Meyer et sa cuisine de Stuttgart). Cette éducation a contribué à la formation dès l’enfance, d’un partage (ou pas) des tâches et de manières de vivre. L’émergence d’associations féminines proposant leur avis sur l’utilisation des appareils, au besoin pour en guider la fabrication ou pour en contester l’usage, contribue à l’analyse de l’interaction entre réception du message et appropriation des techniques. Sans un nouvel itinéraire empruntant les sentiers de l’histoire du genre, ces thèmes resteront une histoire descriptive des consommations énergétiques.

Les principaux champs d’analyses

Le premier champ qu’il nous paraît utile d’investir est celui qui permettra de saisir le discours et les formes de marketing des entreprises commercialisant une source d’énergie dans les limites de l’espace domestique. Monter le charbon de la cave, utiliser la cuisinière à gaz, montrer son réfrigérateur, couper le bois destiné à la cheminée, déclamer les avantages de l’eau chaude sont autant de situations qui mettent en scène la mère, le père, les enfants, la jeune femme, la ménagère, le cuisinier, le livreur de charbon… Quelles formes de réception des messages ? Quelles contestations des usages ? Quelles évolutions imposées aux entreprises par l’acceptation ou le refus d’innovation des consommatrices et des consommateurs ? Ana Cardoso de Matos et Diego Bussola apportent ici quelques pistes de réponses en analysant les stratégies complémentaires des industries de gaz et d’électricité à Lisbonne entre 1891 et 1970 qui s’appuient sur les stéréotypes de genre pour diffuser leurs produits.

Dans un second temps, l’attention peut se porter d’un pays à l’autre, car ces pratiques ont mis en évidence des similitudes, liées à la stratégie commerciale parfois internationale des compagnies d’énergie ou à la modélisation de supports de communication qui se sont diffusés par transmission transnationale : c’est ce que proposent ici Mariëlle Feenstra et Rachel Guyet pour la France et les Pays-Bas des années 1950-1960. Mais, comme le soulignent également ces deux autrices, des cultures différentes, des slogans contextualisés originaux ont pu tout autant créer des choix distincts. Comparer les discours, les types de publicités, les thèmes privilégiés par les compagnies dans chaque pays, les pratiques éducatives et pédagogiques des arts ménagers, les attitudes des femmes et des hommes au sein de l’espace domestique, devrait apporter un éclairage sur l’existence de formes nationales de communication. Celles-ci seront à analyser autant sur la description des énergies elles-mêmes, sur les formes de compétition entre énergies dans des contextes économiques et énergétiques assez différents selon les pays considérés en Europe, que sur les usages privilégiés de chaque énergie.

Enfin, en explorant plus profondément les sources issues des entreprises énergétiques, une troisième approche pourrait porter sur les dépenses et les investissements consacrés à ces stratégies commerciales. Le rôle du développement du crédit dans l’acquisition d’équipements ménagers est connu. Il a d’ailleurs été inégal selon les pays et connait des chronologies variables. Il pourrait être relu en se souciant plus nettement des formes d’économie coopérative, du rôle des économats et de l’action mutualiste souvent plus soucieux de la dimension familiale des publics concernés. En revanche, on connaît moins les budgets consacrés par les entreprises pour créer des cibles marchandes et ajuster leurs stratégies en fonction des usages. De même faudrait-il s’intéresser à l’approche budgétaire, à croiser avec la capacité juridique, pour savoir qui paye l’énergie dans le foyer et en fait le choix, qui achète les nouveaux équipements indispensables à leurs usages ? Quelle médiation se fait au sein des couples sur ces choix de vie et de budget ?

Pour lancer ces perspectives, ce dossier spécial livre donc plusieurs articles qui amorcent la réflexion selon plusieurs lignes directrices. Le foyer est un périmètre d’analyse qui peut paraître étroit. Défaisons-nous tout de suite de cette critique.

Des sphères aux sexes

Les sciences humaines, que ce soit du côté de la philosophie (Habermas, Arendt) de la sociologie (Delphy, Kergoat), de l’anthropologie (Tabet) ou de l’histoire (Perrot) s’accordent pour souligner à partir du 19e s. combien la séparation, si ce n’est l’invention, des sphères privées et publiques est fondamentale, qu’il s’agisse de l’organisation du travail et donc du temps de chacun et chacune, de la séparation croissante entre domicile et fabrique, de l’organisation de ces espaces dans la vie des individus, de la répartition des tâches dévolues à l’intérieur ou l’extérieur, du rôle de chacun dedans ou dehors. Alors que les grandes villes constituent selon Jürgen Habermas l’idéal-type de la sphère publique bourgeoise pour ses membres dominants, ceux-ci préservent leur sphère privée des pouvoirs de l’État qu’ils soient politiques, économiques et intimes6.  Parce qu’en parallèle la période se traduit par une mise à l’écart des femmes du politique et de la parole publique, une exclusion radicale du militaire, un assujettissement, inscrit dans le code civil et ses multiples déclinaisons, des épouses envers leurs maris, une division sexuelle inégalitaire du travail, un système éducatif fortement différencié au détriment des jeunes filles qu’il s’agisse des humanités ou des sciences ou des techniques, par ce faisceau de soumission la séparation entre le public et le privé est de plus en plus imaginée comme celle du masculin et du féminin. Qu’elles y soient pensées comme maitresses de maison ou prisonnières du foyer, c’est bien dans un lieu à l’écart qu’elles se trouvent avec leur époux, leur famille. Hors de cet espace aliénant et protecteur, les femmes seraient en butte aux multiples dangers de la promiscuité urbaine et industrieuse, prêtes à basculer dans l’immoralité.

C’est d’abord hors de cet espace que les sciences sociales et parmi elles les pionnières de l’histoire des femmes ont voulu rendre visible les femmes dans l’histoire. Le lieu du travail, parce qu’il permettait une indépendance financière, même relative, un espace de rencontre entre femmes, et parfois la participation à des luttes émancipatrices fut d’abord favorisé. Et quand, prolongeant le slogan de la fin des années 1960 « le privé est politique », la famille et le foyer concentraient l’attention c’était d’abord pour le dénoncer comme un lieu de contrôle masculin ; au mieux de la difficulté d’y avoir « une chambre à soi » au pire d’y subir la domination jusqu’à la violence. En 1970, Christine Delphy dénonce une exploitation spécifique des femmes dans l’exploitation familiale, qui se traduit par un travail gratuit (garde des enfants, ménage, couture, confection des repas)7. De l’autre côté de l’Atlantique Ann Oakley, connue pour avoir développé le concept de genre dans les sciences sociales, déconstruit toute justification naturaliste des activités domestiques, précisant au contraire combien elles sont perçues par les femmes comme monotones, harassantes et dévalorisantes et reflètent le poids des contraintes sociales8. À la fin de la décennie l’anthropologue Paola Tabet, dans un article pionnier montrait comment la domination de l’homme s’exerce sur la femme, en les excluant des ressources techniques9. Elle propose alors de récuser toute idée d’une division sexuelle « naturelle » du travail dans le cadre d’une complémentarité ou réciprocité du travail et d’envisager cette division en tant que « relation politique entre les sexes ». Dans ce numéro, Sean Adams rend bien compte de cela, en montrant comment la division des tâches énergétiques telle qu’idéalisée notamment par les compagnies énergétiques (le mari achète, la femme gère) est en fait brouillée par de multiples négociations au sein même du foyer.

Si les sciences sociales se sont peu intéressées au foyer autrement que pour envisager les formes de contestation, d’évasion de ce lieu d’écartement des femmes de nos sociétés, les compagnies productrices d’énergies y ont dès le 19e s. perçu le rôle des « maitresses de maison » dans les changements de choix énergétiques. Si le foyer, « le lieu où l’on fait du feu »10, devient progressivement un « lieu servant d’abri à des personnes » puis où « habite ou vit une famille » cela passe par la satisfaction de besoins devenus progressivement essentiels : de s’éclairer, cuire et se chauffer. Depuis le 19e s. les innovations techniques puis leur diffusion au plus grand nombre ont été nombreuses et se sont traduites par autant de changements de pratiques dépassant largement le seul choix d’une « flamme » pour devenir celui d’un mode de vie. À ce titre, le cas de l’installation d’un chauffage par géothermie dans la ville de Reykjavik entre 1939 et 1944, tel qu’étudié par Odinn Melsted, est exemplaire : il révèle le discours libérateur des autorités, les espoirs d’émancipation des femmes, les déceptions et injustices afférentes, les inégalités persistantes et les mutations des rôles domestiques.

Finalement, nous avons voulu placer le foyer au centre de notre questionnement, car il est au croisement de mutations multiples. D’abord celles qui concernent les relations entre ses habitants, foyer unique, composé, recomposé, qu’ils soient d’une même famille ou comprennent également une domesticité. Puis les mutations qui découlent des évolutions de l’habitat et de l’aménagement de l’espace intérieur, incluant le rapport à « l’extérieur », que celui-ci soit pensé tout autant comme lieu de travail, de consommation, de loisirs, de vie publique. Le foyer supporte le glissement des sphères (publique ou privée) aux sexes11, alors que la séparation progressive du lieu de travail et du lieu d’habitat provoque une réorganisation des modes de vie. Les mutations qui forment le cadre général des évolutions du foyer affectent ainsi les maisons bourgeoises tel le Sweet Home décrit par  Catherine Hall12 au Royaume Uni ou celles des bourgeoises du Nord de la France13, qui sont plus aptes à accueillir les innovations qui se succèdent. Mais elles modifient autant, à d’autres échelles, les logements populaires, des plus vétustes et insalubres déjà anciens aux plus récents, issus d’une prise de conscience de la nécessité de logements réunissant des conditions de bien-être et d’hygiène désormais promises aux prolétaires. Dans le cas du Danemark de la seconde moitié du 20e s., étudié ici par Mogens Rüdiger, la modernisation des maisons, l’installation du chauffage central, les nouvelles normes de confort thermique, n’aboutissent pas, n’en déplaise aux architectes de l’époque, à un espace « objectif » ou dé-genré, mais simplement à une nouvelle répartition des rôles entre les époux.

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Quels enjeux de genre vis-à-vis de l’énergie au sein du foyer ?

L’énumération des bouleversements que connaît le logis de la révolution industrielle à nos jours serait trop longue à détailler. Mais il importe de garder à l’esprit que ces changements concernent aussi bien la localisation (rural, urbain), la taille et le nombre de pièces y compris spécialisées (cuisine, salle de bains) du logement ; le nombre de produits énergétiques (bois, bougie, charbon, coke, huile, pétrole, gaz, électricité, géothermie) à disposition et l’évolution de leur coût et de leur accessibilité, leur connexion ou non à des réseaux extérieurs, les choix individuels et/ou collectifs de leurs usages. C’est dans cet univers des plus mouvant que les individus doivent chercher à répondre à leurs besoins énergétiques.

Quelle énergie choisir ?

Les femmes trouvent le moyen, parfois, de s’appuyer sur leur maîtrise des gestes et leur savoir pour défendre leur place dans le foyer, pour imposer une certaine autorité, un champ de compétence et d’action qui ne saurait leur être contesté sans déboire pour l’époux ou vives tensions dans le couple. Joanna Bourke a montré l’émergence de cette forme d’empowerment dans les intérieurs ouvriers anglais au tournant du 20e s. : en réclamant une instruction en matière d’économie domestique, les femmes des couches populaires parviennent à donner une caution savante à leur expertise, qu’elles peuvent donc valoriser face à leur époux. Elles sont prêtes à défendre leurs choix ou leurs dépenses énergétiques avec conviction14 ! De la même manière, la cuisinière qui résiste à l’introduction d’un appareil au gaz ou à l’électricité ne fait pas seulement preuve d’obstination archaïque : elle défend aussi un savoir-faire, acquis au fil des années, dont elle est fière et qui lui assure une certaine reconnaissance. Changer de mode de cuisson, c’est devoir tout réapprendre, rentrer dans le rang, repartir de zéro15. D’où les efforts du Los Angeles Department of Water and Power (LADWP) retracés par Jan Hansen pour former au tout début du 20e s. les habitant·es de la ville à l’usage pionnier et parfois contraignant de l’électricité, quand « après avoir allumé votre chauffage, au lieu de faire la sieste (…) vous devez surveiller votre chaudière ».

Qui paye et avec quel argent ?

On ne saurait trop insister sur ces tâches qui pèsent sur les épaules des employées de maison, ouvrières, femmes des milieux populaires et qui occupent tant de leur temps pour faire fonctionner un foyer par l’usage des énergies. C’est la question essentielle de la valeur du temps des femmes pour laquelle l’étude de l’électrification des foyers est révélatrice. Car c’est l’électricité, sans doute, qui incarne le mieux la construction d’un univers mental singulier, tant elle fut porteuse, en ses débuts, d’un imaginaire puissant d’émancipation et de féérie16. La promotion du gaz avait engagé cette voie mais sans imposer un tel bouleversement. L’utilisation des sources d’énergie antérieures présentait plus de complexité. La plupart des appareils électro-ménagers sont inventés au début du 20e s., le lave-linge en 1910, le réfrigérateur en 1913, l’aspirateur en 1915, multipliant les usages domestiques de l’énergie à partir de la trilogie éclairer, chauffer, cuire. Désormais une multiplicité d’appareils aux finalités différentes permet de gagner du temps. D’autres occupations deviennent possibles, et c’est une nouveauté, de passer son temps à écouter la radio ou un microsillon, bien plus tard à regarder la télévision17. L’analyse de l’électrification de nos sociétés est riche en enseignements sur les rapports de genre, en particulier à propos des nombreux freins à ce changement. La réduction progressive des coûts de fabrication jointe à l’amélioration du pouvoir d’achat et du développement du crédit ne se traduit pourtant pas par un développement linéaire transformant ces objets de luxe en produits de consommation courante. Dans ce numéro, Gooday et Harrison montrent combien les élites aristocratiques constituaient un point d’appui pour expérimenter, puis en s’appuyant sur quelques célébrités richissimes amorcer un effet de mode. Au bout de ces descriptions d’utilisation et de diffusion, une question demeure essentielle, économique et sociale, celle du financement de ces usages énergétiques.

A quoi sert en effet de dépenser des sommes d’argent qui demeurent longtemps conséquentes pour faire gagner du temps à des femmes, dont le temps serait justement gratuit ? Seules les femmes des milieux populaires dont le salaire à l’extérieur est nécessaire à l’entretien du ménage apprécieraient de réduire leur deuxième journée de travail, cependant les revenus modestes ne permettent pas d’accéder à ces « merveilleuses machines ». Aux raisons économiques, il faut ajouter celles d’un savoir-faire longuement acquis, des habitudes dont on ne veut se départir, une part plus difficilement quantifiable, liée au goût, à la sensation, au plaisir. Les prix de l’énergie apparaissent alors comme une clé des rapports de genre dans la mesure où la part des budgets consacrée aux consommations d’énergie peut donner l’élasticité du temps dans le foyer.

De l’énergie pour quoi faire ?

Une hiérarchie des usages doit être reconsidérée, non plus par son caractère d’utilité domestique (un éclairage, un point de cuisson) mais par l’effet du gain d’activité et de distribution des tâches qu’ils permettent. Le cas des appareils à passer le temps et d’abord la radio, est l’un des plus stimulants à étudier car ce sont eux qui connaissent la plus rapide des diffusions sans qu’y soit associée une nécessité vitale. Que l’électrification des foyers s’accompagne d’une diffusion massive et première des postes de radios interroge. Doit-on y voir l’imposition par le mari du choix du loisir dont il bénéficie aux dépens d’appareils qui réduiraient certes la peine de leur épouse mais n’empêcheraient pas que le logis soit nettoyé et le linge propre ? L’on peut également envisager un choix conjoint pour un loisir commun le soir et qui rend également le travail domestique moins ennuyeux lorsqu’il peut se dérouler en musique ou à l’écoute d’émissions distrayantes. Hormis ce schéma de foyer très classique, qu’en est-il de tous les foyers qui ne sont pas composés d’une famille ?

Quels vecteurs genrés de diffusion des énergies utilisés par les entreprises ?

La particularité des politiques commerciales des marchands d’appareils, tout comme celles des entreprises énergétiques, est d’adresser des messages suffisamment explicites pour qu’aucun des membres d’un foyer n’y soit indifférent, que l’utilisation d’une énergie réponde à un besoin ressenti et que la description de l’usage laisse espérer un gain, de temps, d’argent ou de confort. Il leur faut donc trouver des interpellations courtes, des messages attractifs et des slogans efficaces. Tout ceci n’est pas très différent d’autres stratégies publicitaires finalement. Mais le discours sur les énergies doit aussi faire rêver et s’inscrire dans les mentalités d’une époque. Il est beaucoup plus intéressant de comprendre comment étaient déterminés les prix d’une énergie et quels symboles sociétaux en justifiaient l’évolution. Rêver d’un intérieur plus lumineux, à température idéale, aux contraintes minimales… Voilà les cibles que les entreprises ont dû considérer depuis que des stratégies commerciales publicitaires ont été engagées à la fin du 19e s. Et faire œuvre de pédagogie car ce rêve demande quelques efforts financiers mais aussi l’apprentissage de nouvelles pratiques. Les compagnies énergétiques jouent chacune leur propre partition lorsqu’elles indiquent, par notices, conseils ou démonstrations, comment utiliser au mieux tel appareil électrique ou telle cuisinière au gaz18. C’est bien ce que montre Jordi Ferran Boleda dans son article qui retrace les efforts faits par les compagnies électriques espagnoles dans les années 1930 pour initier « les femmes au foyer » à l’électricité en particulier par la revue Electricidad Industrial y Domestica, au titre peu onirique.

Faudrait-il considérer des cultures énergétiques genrées ?

Questionner le déterminisme apparent de la source d’énergie comme système énergétique à travers l’approche de genre ouvre de nombreuses problématiques. Les choix énergétiques des sociétés donnent forme à ce que l’on a pu appeler des systèmes énergétiques : un ensemble de relations techniques, sociales, politiques, culturelles, économiques qui reflètent, partiellement au moins, les structures nées des énergies utilisées19. Sans bien sûr supputer un quelconque déterminisme, force est de constater qu’une société ne s’organise pas de la même manière selon qu’elle s’appuie essentiellement sur la force musculaire (des hommes, des femmes et des animaux) ou sur des énergies fossiles par exemple. D’où l’émergence, dans ce cadre, de cultures énergétiques qui suscitent l’intérêt croissant de sociologues, anthropologues et historiens20. Que l’on parle de « pétroculture » pour désigner le monde, symbolique et matériel, issu de la consommation effrénée d’hydrocarbures21 ou que l’on s’intéresse aux représentations, espoirs et craintes, de l’atome, en France notamment22, un rapport singulier aux énergies dominantes se dessine toujours, loin de la supposée rationalité des acteurs économiques – consommateurs comme fournisseurs. Mais cette culture énergétique peut être comprise différemment si, en suivant les approches de genre, le regard est porté précisément sur la division des tâches et la valeur marchande accordée au travail fourni pour utiliser une énergie.

L’énergie s’apprend – et il y a là d’ailleurs tout un pan de la recherche encore peu exploré par les historiens. Le 19e s. voit s’épanouir une science de la thermodynamique, des instruments de mesure de la puissance, une théorisation de l’énergie, une réflexion sur les origines des sources fossiles. Au 19e s., à l’école ou chez soi, le maître d’école, la mère, le père, un aïeul enseignent aux enfants les bienfaits du charbon, les risques pour la puissance nationale ou le bien-être individuel d’une pénurie de ressources – forestières ou fossiles par exemple –, les usages de tel ou tel combustible, les gestes à faire pour éclairer, chauffer, cuire, le danger du gaz et les vices de l’électricité qui provoque l’électrocution. Au milieu du 20e s., les abécédaires gardent la trace de la modernité liée aux équipements énergétiques, le phénoménal pétrole, le nouveau gaz naturel, les merveilles de l’électricité. Aujourd’hui, les élèves de collège sont sensibilisés à la gestion de ressources limitées mais les usages digitaux appellent des quantités considérables d’électricité qu’il faudra bien fournir.

Ce faisant, bien sûr, des distinctions de genre peuvent apparaître. Le cas britannique est, en ce domaine, tout à fait révélateur. Au 19e s., les enfants apprennent, parfois très jeunes, le rôle central du charbon dans l’hégémonie mondiale de leur nation, ainsi que ses origines fabuleuses dans des forêts antédiluviennes depuis décomposées et transformées. Ils découvrent aussi les façons de l’utiliser – comment allumer un feu, comment installer les morceaux dans l’âtre pour qu’ils brûlent au mieux, comment tisonner, comment économiser ce combustible etc. De façon significative, cet enseignement se spécialise quelque peu autour de 9-10 ans : les petites filles sont plus directement concernées par l’apprentissage des bons gestes pour gérer le feu de charbon – il s’agit de faire d’elles, déjà, de bonnes maîtresses de maison23. À la fin du 19e s., c’est tout un cursus d’économie domestique qui se met en place et qui leur est destiné. La science est mise à contribution pour former des expertes de l’entretien du foyer domestique, notamment en matière énergétique : on apprend juste ce qu’il faut de théorie pour comprendre les processus de combustion ; on s’entraîne à nettoyer correctement l’âtre, à en polir les grilles en les recouvrant d’une couche de graphite, à cuisiner aussi en gérant correctement son feu24. Bien entendu, ces distinctions de genre ont pu varier au fil du temps et des appartenances sociales. Une jeune fille pauvre doit très tôt savoir prêter secours à sa mère – si ses forces le permettent, elle va chercher le charbon à la réserve, et allume le feu au petit matin pour que les hommes de la maisonnée puissent partir au travail confortés par une substantielle collation. Son avenir ancillaire lui impose d’ailleurs de maîtriser dès que possible ces tâches qu’elle répètera toute sa vie, pour ses employeurs ou son propre foyer. Cette instruction au quotidien se déclinait tout autant dans d’autres pays d’Europe, en Finlande pour adosser des contes à la connaissance de la forêt et aux usages du bois, en France pour apprendre aux filles les procédés élémentaires de la cuisine par des leçons d’enseignement ménager promues par l’école républicaine. Pour retrouver cette pédagogie, plusieurs voies sont possibles en s’intéressant au discours spécifiquement adressé aux femmes et aux hommes. Il est possible de le saisir aussi en fonction des modes d’utilisation des énergies. Par exemple, les livres de cuisine sont à cet égard un support documentaire que l’histoire de l’alimentation saisit traditionnellement mais rarement en combinant à la fois l’étude des techniques énergétiques, celles de l’économie du foyer et celles du discours genré. Il y a pourtant une approche riche à conduire ainsi que le montre des travaux relevant plus précisément de l’histoire de l’alimentation25.

Ruth Sandwell, dans son travail sur le Canada, a de même mis en évidence les peurs, souvent justifiées, liées à l’utilisation du gaz, de l’électricité, de certains appareils, et le rôle qu’elles ont joué dans les choix énergétiques des épouses et mères au foyer26. Les contemporains, et particulièrement les entreprises énergétiques, n’ont pas été insensibles bien sûr à ces résistances. Elles sont parfois interprétées, certes, comme la preuve des faibles capacités intellectuelles des femmes et de leurs maigres connaissances scientifiques que des démarcheurs expérimentés se feront fort de vaincre27. Mais, plus souvent, on intègre tout à la fois le rôle central des femmes dans les décisions énergétiques domestiques et leurs attentes supposées. Dans l’entre-deux-guerres, les fournisseurs de gaz, d’électricité ou de charbon tiennent tous le même langage : leurs publicités vantent, quasiment de manière identique, la facilité d’utilisation, la propreté, le faible coût de leurs énergies, dont les bienfaits sont vantés par des employées recrutées à propos pour convaincre leurs consœurs au foyer. Des associations explicitement créées à ces fins se mettent en place, par exemple au Royaume-Uni : Electrical Association for Women en 1925, le Women’s Gas Council en 1935, et le Women’s Advisory Council on Solid Fuels en 1943. Yves Bouvier a montré les stratégies marketing des entreprises et la façon dont elles parviennent tout à la fois à intégrer certaines attentes des consommateurs et à façonner une partie de leurs représentations28.

La distribution des rôles de genre permet d’élargir comme une dilatation d’espaces culturels les limites du foyer où s’exercerait une culture énergétique. Ramasser du bois, se rendre au lavoir, acheter un sac de charbon, un bidon de pétrole ou une bouteille de gaz, autant de corvées mais aussi d’occasions de sortir, de fréquenter d’éventuels lieux de sociabilités féminines pour le lavoir, plus aléatoires pour les autres. Comprendre la place des femmes dans les décisions énergétiques, évaluer leurs attentes et leurs craintes, entendre les raisons de leurs résistances, mesurer la fierté qu’il peut y avoir à maîtriser des gestes et des savoirs : tout cela est nécessaire pour faire évoluer les pratiques et les représentations. Parce qu’il est au croisement de problématiques familiales, entrepreneuriales et de politiques publiques, le foyer est un lieu central des trajectoires énergétiques nationales comme par exemple pendant le ventennio fasciste en Italie où l’effort étatique que nous décrit Andrea Giuntini permet d’assurer un changement d’usage du gaz national de l’éclairage vers les cuisines. Pour allier modernisation et autarcie économique est engagée une politique d’innovation technique et un changement culturel dont les femmes et leurs pratiques culinaires sont un enjeu majeur.

Les pistes à explorer sont donc encore nombreuses autour de ce croisement fertile entre genre et énergies : on peut s’intéresser par exemple aux enquêtes d’opinion sur les dépenses énergétiques, aux programmes d’éducation des femmes sur tous les continents pour les usages domestiques, aux laboratoires de recherche des grandes entreprises énergétiques qui réalisent des test d’utilisation comme ce fut le cas à Cornell University dans les années 1920 par les Home Economics sur les appareils ménagers, au vocabulaire de transmission des consignes d’utilisation des appareils, aux associations de consommatrices, etc. Sans prétendre dessiner un programme de travail qui deviendrait un grand projet croisant genre et énergies -il faudrait pour y parvenir s’assurer de convergences d’intérêt actives- les thèmes soulevés peuvent ainsi s’inscrire dans une ambition large. Les rôles qui détermineront les voies de réussite -ou d’échec- des dynamiques de transition énergétique imposées par un contexte environnemental mouvant, participent d’évolutions qui impliquent autant les femmes que les hommes. Les analyser peut contribuer à formuler des propositions pour l’avenir, comme le font déjà Beatrice Khamati-Njenga pour les pays du Sud ou Benoît Granier pour le Japon29.

  • 1. Ruth Schwartz-Cowan, More Work for Mother : The Ironies of Household Technology from the Open Hearth to the Microwave (New York : Basic Books, 1983).
  • 2. Marsha Ackermann, Cool Comfort : America's Romance with Air-Conditioning (Washington : Smithsonian Books, 2013), Anne Clendinning, Demons of Domesticity : Women and the English Gas Industry 1889-1939 (London : Routledge, 2017), Graeme Gooday, Domesticating Electricity : Technology, Uncertainty and Gender, 1880-1914 (London : Pickering & Chatto, 2008), Joao Luiz Maximo da Silva, Cozinha modelo : o impacto do gas e da electricidade na casa paulistina (Sao Paulo : Edusp, 2008).
  • 3. Caitriona Beaumont, Housewives and Citizens (Oxford : Oxford University Press, 2015), Priscilla Brewer, From Fireplace to Cookstove : Technology and the Domestic Ideal in America (Syracuse : Syracuse University Press, 2000), June Freeman, The Making of the Modern Kitchen (London : Bloomsbury, 2004), Victoria De Grazia, Ellen Furlough, The Sex of Things (Berkeley : University of California Press, 1996), Hiroki Shin, « Energy/Culture : A Reading Guide for Historical Literature », Science Museum Group Journal, 2018, n° 9, Katherine Parkin, Food is love : Advertising and Gender Roles in Modern America (Philadelphia : University of Pennsylvania Press, 2006), Jennifer Scanlon (ed.), The Gender and Consumer Culture Reader (New York : New York University Press, 2000), Elizabeth B. Silva, Technology, Culture, Family : Influences on Home Life (London : Palgrave MacMilan, 2010).
  • 4. Abigail Harrison Moore and Ruth Sandwell, In a New Light. Histories of Women and Energy (Montreal : McGill-Queen’s University Press, 2021). Voir aussi par exemple : Martin Anfinsen and Sara Heidenreich, Energy and Gender - A Social Sciences and Humanities Cross-cutting Theme Report (Cambridge : Shape Energy, 2017). Un autre support de la thématique apparaît dans le programme AHRC « Electrifying Women : Understanding the Long History of Women in Engineering » conduit par Graeme Gooday et Elizabeth Bruton au Science Museum de Londres en partenariat avec le Women’s Engineering Society et les archives de l'Institution of Engineering and Technology. Voir les sites : https://ahc.leeds.ac.uk/philosophy/staff/51/graeme-gooday https://blog.sciencemuseum.org.uk/author/elizabethb.
  • 5. Le comité d'organisation initial rassemblait : Ana Cardoso de Matos (Université d'Evora), Léonard Laborie (CNRS), Isabelle Matamoros (Labex EHNE), Charles-François Mathis (Université Bordeaux Montaigne), Giovani Paoloni (La Sapienza), Renan Viguié (Université Bordeaux Montaigne), Fabrice Virgili (CNRS), Jean-Pierre Williot (Sorbonne Université).
  • 6. Jürgen Habermas, L’espace public (Paris : Payot, 1962), notamment le chapitre I, « Définition propédeutique d’un modèle de la sphère publique bourgeoise », 13-37, cité par Michel Christian et Sandrine Kott, « Introduction. Sphère publique et sphère privée dans les sociétés socialistes. La mise à l'épreuve d'une dichotomie », Histoire@Politique, vol. 7/1, 2009, 1.
  • 7. Christine Delphy, « L'ennemi principal », Partisans, numéro spécial « Libération des femmes, année zéro », 1970, n° 54-55
  • 8. Caroline Ibos, « Travail domestique/domesticité », in Juliette Rennes (dir.), Encyclopédie critique du genre (Paris : La Découverte, 2016), 649-658.
  • 9. Paola Tabet, « Les Mains, les outils, les armes », L'Homme, vol.19/3-4 (Les catégories de sexe en anthropologie sociale), 1979, 5-61.
  • 10. « foyer », Trésor de la langue Française informatisé, https://www.cnrtl.fr/definition/foyer, consulté le 26 août 2021.
  • 11. Michelle Perrot, « Public, privé et rapports de sexes », in Jacques Chevalier (dir.), Public/Privé (Paris : PUF, 1995).
  • 12. Leonore Davidoff et Catherine Hall, Family Fortunes : hommes et femmes de la bourgeoisie anglaise 1780-1850 (Paris : La Dispute, 2014 [1987]).
  • 13. Bonnie Smith, Les Bourgeoises du Nord, 1850-1914 (Paris : Perrin, 1989 [1981]).
  • 14. Joanna Bourke, « Housewifery in Working-Class England », Past & Present, 1994, n° 143, 167-197.
  • 15. Jean-Pierre Williot, « Cuire avec ou sans flamme ? Le gaz en transition énergétique, de la modernité à la défaveur », in Nathalie Ortar et Hélène Subrémon (dir.), L’énergie et ses usages domestiques. Anthropologie d’une transition en cours (Paris : Pétra, 2018), chapitre 2.
  • 16. Alain Beltran, Patrice Carré, La Vie électrique. Histoire et imaginaire (18e – 21e siècles) (Paris : Belin, 2016).
  • 17. Sue Bowden and Arner Offer, « The Technological Revolution That Never Was », in Victoria de Grazia and Ellen Furlough (eds.), The Sex of Things : Gender and Consumption in Historical Perspective (Berkeley : University of California Press, 1996).
  • 18. Caroll Pursell, « Domesticating modernity : the Electrical Association for Women, 1924–86 », The British Journal for the History of Science, vol. 32/1, 1999, 47–67.
  • 19. Jean-Claude Debeir, Jean-Paul Deléage et Daniel Hémery, Une Histoire de l’énergie (Paris, Flammarion, 2013 [1986]).
  • 20. Sarah Strauss, Stephanie Rupp and Thomas Love (eds.), Cultures of Energy (Walnut Creek : Left Coast Press, 2013) ; Brendan Dooley (ed.), Energy and Culture. Perspectives on the Power to Work (London : Routledge, 2016).
  • 21. Stephanie LeMenager, Living Oil : Petroleum Culture in the American Century (Oxford : Oxford University Press, 2014).
  • 22. Gabrielle Hecht, Le rayonnement de la France (Paris : La Découverte, 2004).
  • 23. Charles-François Mathis, La civilisation du charbon (Paris : Vendémiaire, 2021), chapitre 6.
  • 24. Sur l’économie domestique, voir notamment : Carol Dyhouse, « Towards a ‘Feminine’ Curriculum for English Schoolgirls : the demands of ideology, 1870-1963 », Women’s Studies International Quarterly, vol. 1, 1978, 291-311; Vanessa Heggie, « Domestic and Domesticating Education in the late Victorian City », History of Education, vol. 40/3, 2011, 273-290.
  • 25. Par exemple Sonja Petersen, « Das elektrische Kochen - Die volleektrische Küche als Leitbild moderner Haushalsführung », Food & History, vol. 11/1, 2013, 75-106 ; Jean-Pierre Williot, « Vendre la cuisine au gaz et la cuisine électrique par l'affiche, des années 1890 aux années 1930 », Food & History, vol. 16/2, 2018, 83-105.
  • 26. Ruth Sandwell (dir.), Powering Up Canada : The History of Power, Fuel, and Energy from 1600 (Montreal : McGill University Press, 2017). Voir aussi Ruth Sandwell, « Fear and Anxiety on the Energy Frontier », in Abigail Harrison, Ruth Sandwell (dir.), Women and Energy, numéro de Rachel Carson Center Perspectives, 2020/1, 37-41.
  • 27. Voir par exemple les propos d’un manuel de vente d’une association réunissant, dans l’Angleterre de l’entre-deux-guerres, producteurs et distributeurs de charbon : Coal Utilisation Council, Course in Coal Salesmanship, 1er manuel : The Groundwork of Coal Salesmanship (London : CUC, 1936 ?), 53-54.
  • 28. Yves Bouvier, « Entreprises, énergies et consommateurs en France depuis 1945 » (mémoire inédit d’HDR, Sorbonne Université, décembre 2020).
  • 29. Beatrice Khamati-Njenga, Joy Clancy, « Concepts and issues in gender and energy », Energia, 2003 ; Benoît Granier, « Gouverner la consommation d'énergie des ménages. Renouvellement des enjeux et des instruments d'intervention (1973-2017) », Ebisu. Etudes japonaises, n° 56, 2019.
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